"DEL CERRO"
En diffusion à partir de mars 2025 (création 2023 en avant-première au Festival de Chaillol)
Et si les plus grandes oeuvres d'Atahualpa Yupanqui - un des artistes les plus emblématiques de l'Histoire des musiques populaires argentines - avaient été composées par une femme... et qui plus est, française ! Né d’un père d’ascendance quechua et d’une mère basque, Atahualpa Yupanqui (1908-1992) est un poète, chanteur et guitariste argentin qui a profondément marqué l’histoire des musiques populaires argentines.
En s’intéressant à l’œuvre de « Don Ata », Mandy Lerouge découvre que près d’une centaine des œuvres du poète, parmi les plus célèbres, sont co-signées par un certain « Del Cerro ». Pablo Del Cerro. Un nom mystérieux, compositeur discret dans l’Histoire des musiques argentines. Un compositeur ? Ou plutôt, une compositrice... française ! Antoinette Paule Pépin-Fitzpatrick (1908 – 1990). Tombée en amour avec l’Argentine et compagne d’Atahualpa Yupanqui, elle choisit de prendre un nom masculin pour signer discrètement ses œuvres dans un contexte historique et sociétal complexe.
C’est dans les paysages du Nord Argentin, au cœur du village de Cerro Colorado et dans le mystère qui entoure Pablo Del Cerro que la chanteuse française Mandy Lerouge est partie mener son enquête musicale auprès de Roberto Chavero, fils d’Atahualpa Yupanqui et Antoinette Pépin. Un collectage de plusieurs semaines, filmé par le réalisateur italien Francesco Garbo, sur les traces de Pablo Del Cerro, à la découverte des lieux, des paysages, lectures et rencontres qui ont inspiré et nourri sa collaboration artistique avec Atahualpa Yupanqui. L’occasion pour Mandy Lerouge de se plonger dans l’histoire, les partitions, la bibliothèque personnelle mais aussi les carnets de composition et de confidences de celle qu’Atahualpa Yupanqui surnommait « Nénette ».
Un répertoire mis en lumière et réinterprété par Mandy Lerouge, à découvrir sur scène, en concert et album en 2025 (série radiophonique prévue en 2025), à la rencontre de la poésie d’Atahualpa Yupanqui, sur les traces de son double, de son ombre, de la femme derrière certaines des plus belles de ses mélodies : Antoinette Pépin.
« La Madrugada » de Mandy Lerouge : l’envol d’une voix
Chanteuse autodidacte ayant grandi dans les Hautes-Alpes, Mandy Lerouge apprivoise le monde de la musique depuis une bonne dizaine d’années, au fil d’aventures qui la mènent du jazz à la musique classique en passant par le trip-hop, sans oublier une formation d’ingénieur du son et une expérience de journaliste. En 2014, un premier
voyage en Argentine lui fait découvrir la culture de ses campagnes du nord et elle tombe amoureuse autant de ses musiques que des expéditions à cheval avec les Gauchos qui parcourent la région en surveillant leurs troupeaux – Mandy est cavalière depuis son plus son jeune âge. Désormais basée à Marseille, elle a mûri son projet et l’a nourri de rencontres avec plusieurs figures de la musique argentine : Chango Spasiuk, Raúl Barboza, Melingo... Puis début 2020, elle retourne dans ces contrées et, telle une digne héritière d’Alan Lomax, collecte ce qui deviendra le répertoire de ce premier album si personnel et en même temps si accrocheur... Plusieurs fées se sont penchées sur son berceau : Vincent Segal qui en a effectué la réalisation en « encourageant les prises sans casque et la proximité des musiciens », Gérard de Haro qui a organisé son studio-écrin de La Buissonne pour s’adapter à cette configuration « live » rare (« je n’ai vu ça que deux ou trois fois dans ma vie ! »), et bien sûr les musiciens ; le pianiste argentin Lalo Zanelli
au jeu sensuel qui a aussi signé les arrangements, son compatriote le percussionniste Javier Estrella tout en flamboyance retenue, le contrebassiste colombien Felipe Nicholls architecte discret, et en prime une apparition intense du complice Melingo. Non seulement Mandy Lerouge a réussi son pari, mais elle nous donne aussi une leçon d’intelligence culturelle. Dans cet enregistrement quasi télépathique où l’élégance mélodique des ballades semble rythmée par le trot des chevaux et les cœurs qui s’emballent, elle transcende avec sa voix magnétique ces danses de tradition orale (le chamamé, la chacarera, la zamba et un zeste de tango canaille). Enfant du métissage – son père est malgache et sa mère française –, elle s’approprie ces musiques populaires qui sont elles-mêmes métissées et les fait s’épanouir dans une nouvelle hybridation, une musique de chambre d’aujourd’hui où le jazz et même le rock ne sont jamais très loin. Trans-culturalité ? Effet salutaire de la globalisation ? Tout cela à la fois certainement mais en n’oubliant pas le principal : cette « madrugada » qui signifie « l’aurore » doit aussi se lire comme la métaphore de l’envol d’une grande voix.
- Pascal Bussy
Actus
Nouvel album - Del Cerro (mars 2025)